Michel Nadot: que font les infirmières?

09010145-NadotMMichel Nadot est un infirmier en psychiatrie (1969) et psychothérapeuthe (1981). Il a également obtenu un doctorat et un post doctorat dans le domaine des sciences de l’éducation et des sciences infimières.  Vous pouvez voir plus de détails sur sa formation et son parcours professionnel ainsi que sa bibliographie sur le site de l’Harmattan.

 Cet homme, assez imposant de par sa stature et son côté très affirmé, presque rebelle, est venu un jour dans mon école nous parler de sa vision des soins infirmiers, en retraçant son Histoire (la Vraie!^^), précisant le vocabulaire avec un grand soucis d’exactitude, nous expliquant ce que sont « les sciences infirmières », pourquoi c’est important, pour enfin nous parler de son modèle, « l’intermédiaire culturel » ou l’infirmière, « médiologue de santé ». En effet , il faut savoir que pour arriver à la formulation de son  modèle, Nadot a coupé les cheveux en 4:  il a repris toutes les archives anciennes et a recherché comment nos pratiques sont nommées (ce qu’il appelle « les traditions de langage« ) et les a classé en une typologie. Il a regardé tout ce que font les infirmières depuis les origines!

Je ne vais pas ici vous refaire tout le cours, l’idée était juste de vous parler de lui et de son modèle, pas facile facile à aborder, pour vous signaler qu’il existe et qu’il a fait des choses intéressantes pour nous. Ce que je retire le plus de son intervention et de son modèle, c’est tout le travail de recherche sur ce que font vraiment les infirmières sur le terrain, et finalement rendre visible l’invisible.

Michel Nadot fait apparaître que si le patient est au coeur de l’activité infirmière, les soins directs aux patients ne constituent pas l’entièreté de son activité, loin de là. Il l’a démontré en réalisant une recherche à un niveau internationnal  (Canada et Suisse, 2000), pour vérifier si son modèle d’intermédiaire culturel (que je ne présente pas ici) correspond bien à l’activité contemporaine des infirmières. La recherche a permis de définir 14 groupes de pratiques du rôle professionnel infirmier :

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Les 14 groupes de pratique (Michel Nadot, issu du PPT du cours)

La pratique A, celle de la gestion de l’information, apparaît comme celle qui occupe le plus les infirmières: elle constitue environ 57 à 72% de sa journée! Elle englobe : recueillir, stocker, analyser, redistribuer, diffuser, effectuer un traitement spécial de l’information en vue de transformer cette dernière en actes ou en paroles. Toutes ces informations vont exiger une action de l’infirmière, un constant mouvement, de hautes compétences langagières pour assurer l’efficience et la sécurité. C’est pour cela que Nadot représente l’infirmière comme la tour de contrôle et d’aiguillage du trafic des données des organisations de santé (métaphore 2). Ce sont ces pratiques qui nécessitent le plus de formation car le plus à risques de conséquences et pourtant encore le plus sous-estimé par les profanes : transmissions écrites et orales, colloques… mais aussi finalement la démarche de soin infirmière qui consiste notamment en la récolte et l’analyse des données pour aboutir à la formulation de problèmes qui vont conduire à des interventions!

Michel Nadot, issu du PPT du cours
Infirmière, la tour de contrôle et d’aiguillage, (Michel Nadot, issu du PPT du cours)

Voici un schéma qui représente ces 14 groupes de pratique en fonction du temps qu’elles occupent dans la journée d’une infirmière:

Michel Nadot, issu du PTT du cours.
Les 14 groupes de pratique (Michel Nadot, issu du PTT du cours).

On voit que la pratique K, « pratiques professionnelles de la relation », apparaît en 2e position. Cette pratique est « le premier acte de soin », qui nous permet d’entrer en relation avec le patient.

D’après Nadot, nous nous situons toujours dans « l’Entre » : entre les malades et leurs familles, entre les malades et les médecins etc… on est vecteurs d’information, d’où le terme de « médiologue ».

Nadot propose ainsi d’aller au-delà de la relation –soignée car c’est une vision réductrice, en réalité on sort aussi de la chambre du patient, on y est pas en permanence, on fait beaucoup d’autres choses!  Toute ces choses « invisibles » de l’extérieur, qui pourtant constituent une part énorme de notre travail. La gestion de l’information ça commence aussi au lit du patient, à travers l’observation, les signes vitaux, les propos qu’il nous tient etc… on est toujours en train de gérer de l’information pour en faire quelque chose. On a donc aussi beaucoup de tâches administratives, car il s’agit d’assurer la continuité des soins entre les membres d’une équipe pluridisplinaire (médecin, ergo, physio, infirmiers…) et au sein même de l’équipe infirmière et en vue de transfert vers d’autres services ou le recours à des organismes d’aide à domicile. Tout cela s’organise, se coordonne et les informations doivent se transmettre.

Dans la pratique, malheureusement, ces temps de transmissions orales surtout (aussi bien dans l’équipe infirmière qu’avec les autres professionnels intervenant autour du patient) sont de plus en plus tronqués, alors qu’ici Nadot fait bien apparaître toute la place qu’ils occupent et toute leur importance!

On entend aussi beaucoup se plaindre les infirmiers de l’augmentation des tâches administratives, et si certaines pourraient être déléguées à des  secrétaires (prises de RDV, facturation etc…) les transmissions écrites sont essentielles en garantissant traçabilité et continuité des soins, et en rendant aussi visible le travail que l’on réalise. Ce qui est dommage, c’est quand la charge de travail est telle qu’on a du mal à tout concilier: être auprès du patient, et remplir le dossier de soin, tout en répondant aux sonnettes, au téléphone, aux pompes qui sonnent, au physio qui nous interpelle dans le couloir, au médecin qui nous demande de réaliser rapidement une prescirption qu’il a pas encore écrite etc etc…

« L’activité soignante dépasse en complexité et en densité la simple exécution de prescriptions médicales ou le soin donné aux personnes dont l’infirmière à la charge. Elle ne se laisse que partiellement photographier et elle n’est jamais stabilisée. On ne sait jamais ni la nature du message, ni son intensité, ni le moment où il sera délivré. Elle ne se laisse pas enfermer dans des protocoles, des diagnostics standards, ou des routines présentées comme sécurisantes ou économiquement efficientes. » (Michel Nadot)

En effet, si on retrouve comme partout une certaine routine, chaque journée est différente de la précédente car tous les patients sont différents et on ne peut pas prédire tout ce qui va se passer! Les soins infimiers, c’est donc aussi beaucoup d’imprévus, et  une capacité d’organisation et de gestion des priorités qui est importante, même si cela varie aussi en fonction des services.

Michel Nadot, c’est quelqu’un qui défend beaucoup le métier et travaille à ce qu’il soit mieux reconnu! Vous pouvez voir sur le site d’infirmiers.com une interwiew de Michel Nadot. 

Bibliographie: Nadot, M.; Busset, F.; Gross, J. (2013). L’activité infirmière. Le modèle d’intermédiaire culturel, une réalité incontournable. Paris: De Boeck/Estem.

 

 

16 commentaires

  1. Quelle chance que vous avez eu de le rencontrer !! Il m’a beaucoup aidé pour la rédaction de mon TFE avec son livre « le mythe infirmier ou le pavé dans la marre » que j’avais acheté avant ma formation et ressorti pour mon TFE.

      • Une étudiante en science infirmière qu’il fait plaisir à lire. Et bien merci pour cette excellente synthèse du cours! Vous avez tout compris Miette! Très beau blog…à mon avis, si vous continuez comme ça, on devrait entendre parler de vous dans le futur !

      • Michel Nadot en personne sur mon blog? Noooooon…. Si? 🙂 Merci de votre commentaire et vos encouragements! Je suis contente de voir que cet article vous a plu, j’espère que ça intéressera les infirmiers et futurs infirmiers à se documenter sur vos travaux 🙂

  2. Et j’oubliais…merci pour la pub! Malheureusement, les infirmières ne sont pas trop curieuses des lectures se rapportant à notre discipline…mais ne désespérons pas…ça commence à changer…heureusement qu’il y a de courageuses personnes comme vous! Bonne continuation…

    • Oui c’est dommage mais comme vous dites ça commence à changer, avec la formation qui évolue et les pratiques qui elles, mettent un peu plus de temps à s’adapter mais c’est en chemin! 🙂

  3. Bonjour, c’est dans le cadre de mon TFE lors d’un entretien IDE où il me parlait de médiologue, j’ai cherché et trouver, que je suis tombé sur cette page, et dire que j’allais passer à côté, bah non j’y suis ! Je connaissais pas, jamais entendu parlé ! Du coup j’en fait profiter mes collègues ! Merci à vous !

  4. […] ? Unemietteinfirmiere.wordpress.com [en ligne]. 9 juillet 2016. Disponible à l’adresse : https://unemietteinfirmiere.wordpress.com/2016/07/09/michel-nadot-que-font-les-infirmieres/ Comprendre et prendre conscience ce que signifie le rôle autonome infirmier, à partir de […]

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